Tueurs : récit
Livre
Edité par Inculte-Dernière marge. Paris - 2022
La guerre n’est ni fraîche ni joyeuse. Jamais. Nulle part. Elle est au contraire ce moment d’ultraviolences et d’actes collectifs ou isolés, innommables. C’est cet innommable que Jean-Michel Espitallier, dans une langue crue, sans affect, froidement descriptive, tente de nommer. En explorant exclusivement le point de vue des tueurs.Son livre se présente sous la forme d’une succession de scènes, réelles, de tueries, tortures, lynchages, exécutions sommaires intentionnellement non identifiées (pour les débarrasser de tout a priori historique et politique), scènes ponctuées de paroles de tueurs ̂ petites mains ou hauts dignitaires ̂ happés par ce que Günther Anders appelle « la chance de l’inhumanité impunie ». Il apparaît que la légalité, illusoire, et le sentiment d’impunité offerts par le cadre guerrier ou politique défoulent d’inquiétants instincts, d’effroyables jouissances et font céder les constructions culturelles, religieuses, philosophiques, psychologiques qui font de nous des êtres humains. Sauf exception, le tueur n’est pas un psychopathe, c’est monsieur tout-le-monde. C’est chacun de nous. On pense évidemment ici à « la banalité du mal » formulée par Hannah Arendt à l’occasion du procès Eichmann.Aucune explication, aucune analyse, dans ce livre sans filtre. Juste des actes et des paroles. Comme des images. Mais des images passées dans l’écriture et, pour cette raison, glaçantes. Qui doivent aussi nous interroger sur nos capacités à résister au défoulement de nos ressentiments, de nos colères, de nos haines. A résister à « ça ».